Les Cahiers de la Ville Responsable

La concertation est-elle une codécision ?

La concertation publique est au cœur de l’action publique. L’avenir de l’école, le réseau de transport du Grand Paris, la définition des projets d’aménagement, la réforme des retraites, la mise en place d’un plan local d’urbanisme passent par une phase d’écoute et de dialogue largement annoncée.Les participants au débat ont-ils une influence sur la décision qui est prise ? Les parties prenantes y pensent et l’espèrent

La réalité est différente.

La concertation est un mot récent qui apparaît dans les dictionnaires seulement à partir des années soixante. Se concerter, ce n’est pas seulement consulter, prendre un avis mais « projeter de concert », construire ensemble. Or cette « co-construction » n’est pas une « co-décision ». Cette nuance est au cœur des difficultés de l’application des procédures participatives.

La Charte de la concertation du ministère de l’environnement le rappelle bien. La concertation vise à « améliorer la participation du public à la conception des projets ». L’objectif est d’accompagner la prise de « la meilleure décision possible ». Mais celle-ci repose sur l’autorité publique. Le maître d’ouvrage par sa décision, est responsable et s’engage sur la réalisation du projet. Cette définition a des effets non négligeables sur les démarches de concertation.


D’abord parce que ce n’est pas la quantité des opinions émises qui prime mais la pertinence de l’argumentation.
Les débats mobilisent d’abord les citoyens qui pour des raisons personnelles, des motivations civiques ou des préoccupations variées s’opposent à la mise en œuvre d’un projet.
La concertation n’est pas un référendum qui acte si oui ou non le projet se fait mais bien souvent dans quel cadre optimum il peut être engagé. Le débat public qui s’achève sur la Ligne Nouvelle Paris-Normandie en est une bonne illustration. RFF a intégré les remarques exprimées durant le débat pour présenter un nouveau tracé qui n’était pas prévu initialement.


Le deuxième point essentiel est que celui qui décide, c’est celui qui s’engage et qui est responsable. Le maître d’ouvrage a la nécessité d’avoir une vision globale qui associe aussi bien l’utilité économique et sociale du projet, les conditions de sa réalisation, le montage et l’équilibre financier du dispositif : il doit construire le meilleur projet. Celui-ci doit intégrer de nombreuses variables : les engagements politiques, les réalités économiques, les impératifs environnementaux, les spécificités locales. Le décideur doit intégrer de nombreuses données d’ordre public qui restreignent les choix, souvent pour des raisons budgétaires.


Enfin, la démocratie participative ne doit pas se faire au détriment de la démocratie représentative. Nous votons, sans mandat impératif, pour des élus qui vont nous défendre et nous représenter. C’est aux responsables politiques, d’écouter, d’améliorer les projets – autant que faire se peut – mais aussi de décider. On est là au cœur de l’action politique. Les citoyens ont un pouvoir de sanction… lors de la prochaine élection qui leur permettra de changer de décideurs politiques, si ils le souhaitent.


La qualité de la concertation passe par la connaissance et le partage des règles du jeu. Une concertation c’est un dialogue, un échange mais ce n’est pas la force ou le nombre des oppositions qui bloqueront le projet. Les citoyens doivent le savoir et le comprendre. Cela permettra d’améliorer la qualité de la participation de chacun et de faciliter aussi les évolutions substantielles des projets mis en débat.

Par ailleurs, de très nombreux projets ont évolué grâce ou à cause de la concertation engagée et souvent sur des aspects significatifs.

Grégoire Milot